Număr deschis


La participation politique en Roumanie.
La dimension contestataire de l’ e-rue

 

GABRIELA IONAȘCU
[University of Bucharest

Abstract:
This article aims to analyze the role of e-street in protest movements and to show the performative limits of virtual activism. To what extent is virtual activism efficient? What are the main difficulties in associating the contemporary online forms of activism with the classical forms of political participation (particularly when they are not followed by street movements, official letters, public statements etc.)? The study tackles these questions based on a case study, namely: the reaction of Romanian virtual communities to the EU refusal to include Romania in the Schengen area. The analysis will show the increasing role of virtual communities in the articulation of the Romanian protest movements, particularly in what concerns setting the media’s agenda and raising public awareness. Nevertheless, these new forms of virtual activism remain without visible outcome when they are not endorsed by classical forms of participation.

Keywords: social mouvements; social networks; political participation; Schengen

Résumé:
L’article vise à analyser le rôle de l’e-rue dans les mouvements protestataires et à montrer les limites performatives de l’activisme virtuel. Dans quelle mesure l’activisme virtuel est-il efficace? Quelles sont les difficultés dans la compréhension des actions contestataires en tant que formes de participation politique (surtout lorsqu’elles ne sont pas doublées par des manifestations dans la rue, des lettres officielles ou des déclarations publiques, etc.)? Afin de répondre à ces questions, nous allons nous concentrer sur une étude de cas, à savoir: la réception du refus de l’Union Européenne d’intégrer la Roumanie à l’espace Schengen parmi les communautés virtuelles roumaines. Les résultats de la recherche mettent en exergue le rôle de plus en plus important des communautés virtuelles dans les mouvements contestataires roumains surtout en ce qui concerne la mise en agenda médiatique et la sensibilisation du public. Néanmoins, ces formes d’activisme restent inefficaces lorsqu’elles ne sont pas appuyées par des formules de participation classiques.

Mots-clés: mouvements sociaux; réseaux sociaux; participation politique; Schengen

 

Le répertoire des modalités de participation politique a connu au cours des dernières années un vrai essor partout dans le monde. Les pochoirs, la musique électronique, les flash mobs, la création des événements sur Facebook sont devenus des moyens de contester le pouvoir et de sanctionner le jeu politique. L’Internet a irréversiblement changé le comportement des citoyens et la manière dont nous concevons le «citoyen engagé». Les réseaux sociaux sont devenus des outils d’une importance colossale dans l’organisation des mouvements contestataires, en transformant la façon de réclamer la justice. La Roumanie ne fait pas d’exception en ce sens. L’année 2013 illustre la configuration de l’ e-rue et de son rôle dans la société roumaine. Les Roumains sont descendus dans la rue pour demander leurs droits et pour protester contre la classe politique- soit que nous parlons de la manifestation relative à l’affaire Schengen, soit que nous envisageons la vague de protestations contre le projet minier de Roșia Montană, etc.- en militant et en organisant leurs actions et les étapes de leurs protestations sur les réseaux sociaux. Dans ce qui suit, nous allons essayer de répondre à deux interrogations plutôt inter-liées: (a) dans quelle mesure l’activisme virtuel est-il efficient? Les communautés virtuelles influencent-elles les résultats politiques? (b) Les actions contestataires en ligne sont-elles des formes de participation politique si elles ne sont pas doublées par des actions hors ligne? Pour répondre à ces questions nous allons concentrer notre attention sur la réception du refus de la part de l’Union Européenne d’intégrer la Roumanie à l’espace Schengen parmi les usagers de la Toile et sur la force mobilisatrice des communautés virtuelles. Tout d’abord, nous allons créer un aperçu général sur la notion de «participation politique» et nous allons voir les considérations théoriques quant aux communautés virtuelles et à la participation politique en ligne, et ensuite, nous allons analyser de plus près le cas de l’affaire Schengen en Roumanie et notamment, la réaction des «citoyens virtuels» face à la manière dont les acteurs politiques roumains ont choisi de gérer le dossier.

Pourquoi cette étude de cas? La Roumanie a connu depuis le mois de mars 2011 refus après refus dans l’affaire Schengen. Jusqu’en 2013, tout le monde s’est conformé à la décision européenne. En mars 2013, la population a enfin montré son mécontentement envers les discours et les politiques des dirigeants roumains concernant l’adhésion à l’espace Schengen et elle est sortie dans la rue. Le cas choisi semble être révélateur des transformations des mouvements sociaux en Roumanie. Nous nous proposons de montrer le rôle de plus en plus important des communautés virtuelles dans les mouvements contestataires roumains et de souligner que la participation politique en ligne non-conventionnelle n’est pas efficiente sans une démarche similaire hors ligne.


1. La participation politique: Aperçu général

Le concept de «participation politique» est un concept-vedette de la science politique. Il est aussi vieux et aussi important que celui de «démocratie». Même si toujours présent dans l’histoire des idées politiques, le concept de «participation politique» a changé de significations et de sens au fil du temps. Nous ne pouvons pas parler en effet d’un consensus sur la bonne définition de la notion. Au niveau d’une définition très inclusive, la participation politique est conçue comme l’activité citoyenne destinée à influencer la sélection des dirigeants et les décisions des détenteurs du pouvoir. [1] D’une manière encore plus générale, la participation politique représente toute activité citoyenne destinée à reconfigurer certains résultats politiques. [2] Vu cette extension conceptuelle très généreuse, nous pouvons nous demander dans quelle mesure une action est-elle politique par sa nature ou par son but? Les graffitis aux messages à caractère politique sont-ils une forme de participation politique? Les chercheurs tendent à répondre d’une manière affirmative à notre question. En fait, ils distinguent entre les activités conventionnelles et celles non-conventionnelles.[3] Le vote, le bénévolat pour une campagne politique, l’adhésion à un parti politique constituent des formes conventionnelles de participation politique, tandis que la grève, la manifestation, l’occupation illégale des locaux représentent des formes non-conventionnelles. La distinction repose, en fait, sur la mise en question de la légitimité du système politique. Si l’activité citoyenne est de nature contestataire ou protestataire, si elle conteste donc le procès décisionnel, elle devient non-conventionnelle. Les formes conventionnelles sont celles qui respectent le status quo et le pouvoir en place. La typologie a maintes fois été critiquée, certains actes qualifiés comme non conventionnels étant susceptibles de glisser vers la catégorie contraire. [4] Linsenn et al.[5] considèrent que la distinction formes conventionnelles- formes non-conventionnelles est une question subjective, voire problématique, vu le fait que certains actes non-conventionnels tels que la pétition ou la démonstration sont devenus au cours des dernières années de plus en plus présents dans la sphère publique et au niveau des comportements des électeurs. De la sorte, la pratique des actes configurerait et reconfigurerait la dichotomie entre les formes conventionnelles et celles non-conventionnelles de participation politique. Iasonas Lamprianou[6] nous offre une taxonomie des formes de participation politique qui prend en considération les critiques développées dans la littérature. Selon Lamprianou, il y a toujours une distinction entre les formes conventionnelles et celles non-conventionnelles de participation politique. Néanmoins, il faudrait rajouter une nouvelle une distinction au niveau des formes non-conventionnelles. Plus précisément, il faudrait mettre en ordre les théories concernant la participation politique et identifier: (a) des formes de participation non-officielles ou non-institutionnelles comme les grèves non-officielles ou les démonstrations publiques, (b) puis, des formes de participation extrêmes et non-orthodoxes, comme tirer sur un policier ou sur un autre représentant de l’ Etat et, ensuite, (c) des formes alternatives et informelles, comme la musique ou la danse ou, d’une manière plus générale, les arts performatifs à caractère politique.[7]

Où se place la participation politique en ligne par rapport à la distinction entre les formes conventionnelles et celles non-conventionnelles? Généralement, les auteurs sont partis de la prémisse conformément à laquelle ce n’est pas le milieu qui définit la nature de l’action, mais tout comme dans les contextes classiques de participation, c’est la substance, les contenus de l’action ceux qui permettent une classification des nouvelles formules d’expression politique en ligne. De la sorte, selon Hoffman[8], adhérer à un parti en ligne, réaliser une contribution financière pour une campagne électorale ou devenir bénévole de campagne représentent des modalités de participation politique en ligne. Ces actions peuvent être facilement intégrées aux formes conventionnelles de participation politique. Elles ne contestent pas le status quo, mais soulignent l’intérêt des citoyens pour la vie politique et pour le processus décisionnel. En contrepartie, organiser des protestations par le biais des réseaux sociaux, encourager les mouvements contestataires, soit qu’il s’agit d’une grève, d’une révolte, d’une révolution, etc. constituent des formes non-conventionnelles. Du coup, nous constatons que la participation politique en ligne peut être à la fois conventionnelle et non- conventionnelle. C’est l’utilisation de l’Internet celle qui fait la différence et qui établit la nature de la participation en ligne. Celle-ci devient problématique le moment où nous procédons à une interrogation visant la différence entre la communication en ligne et la participation politique et néanmoins sur l’influence que la participation politique en ligne exerce sur les activités hors ligne et sur les décisions politiques.


2. L’internet et le citoyen engagé

L’activisme virtuel renforce-t-il la participation politique hors ligne? A-t-il des effets sur les résultats politiques? Il y a toute une littérature émergente sur la relation entre la participation politique et l’internet et sur l’activisme des communautés virtuelles.[9] Au niveau de cette littérature, nous pouvons identifier des théories portant sur la relation entre les réseaux sociaux et les mouvements contestataires[10], des études visant la nature des communautés virtuelles[11], le comportement de ces communautés et le rapport entre les concepts d’ «internet» et de «démocratie»[12], etc. Il y a plutôt un consensus théorique quant à l’idée que l’internet augmente la participation politique, menant à l’accomplissement d’un idéal délibératif par le biais d’une création d’une communauté citoyenne virtuelle, en représentant ainsi de plus en plus un outil dans l’organisation des protestations.

Qu’est-ce qu’une communauté virtuelle? Selon Rheingold, «une communauté virtuelle est un groupe de personnes, qui peuvent ou non se rencontrer face-à-face, et qui échangent des mots et des idées sur des babillards d’affichages («bulletins boards») ou d’autres plateformes électroniques par le biais d’ordinateurs.» [13] Du coup, nous pouvons saisir que toute communauté virtuelle se définit par plusieurs particularités. Il y a des auteurs qui soulignent que pour avoir une communauté virtuelle il faut que la communication entre les membres se réalise d’une façon électronique[14], ou que les membres se réunissent régulièrement pour discuter des sujets qui suscitent leur intérêt commun[15], ou qu’il y ait un engagement réel envers la communauté, que les membres investissent du temps et de l’enthousiasme dans le développement de ces nouvelles relations sociales. [16]

Tout l’activisme virtuel passe-t-il pour un activisme politique? Même si au départ, l’internet avait été envisagé en tant qu’une voie régalienne vers l’accomplissement de l’idéal démocratique, l’une des plus significatives critiques quant à l’activisme virtuel vise l’impact de ces communautés sur les résultats politiques. Selon Shulman, l’activisme virtuel n’exerce aucune influence sur les décisions des dirigeants.[17] La critique de cet auteur, qui a également été développée par plusieurs chercheurs, repose en effet sur le concept de «slacktivism». L’auteur montre ainsi que si au niveau idéal-typique la délibération impliquerait l’effort cognitif et l’investissement émotionnel visant les décisions politiques, le «slavktivism» qui décrive le type d’action en ligne se réfère, en général, à des activités qui sont faciles à exécuter, ayant comme effet directe plutôt le fait de rendre les membres d’une communauté virtuelle à se sentir mieux dans leur peau. Dans son interprétation alors, l’activisme en ligne aurait des effets presque nuls en ce qui concerne l’impact direct sur les résultats politiques.

D’ailleurs, le débat acharné sur les type d’effets envisageables au niveau de l’instrumentalisation politique et de l’activisme en ligne se trouve encore à ses débuts. Les opinions en ce sens varient. Plusieurs chercheurs considèrent que l’activité en ligne compte pour les résultats politiques vu le fait qu’influence et élargie le champ informationnel de la société civile, encourage l’activité hors ligne, par l’organisation même des manifestations, des marches, des grèves, etc.[18] L’internet est devenu indispensable aux mouvements protestataires parce qu’il aide à diffuser l’information - les buts, les raisons et la façon de protester; puis, la diffusion de l’information implique de coûts monétaires très réduits; et il aide néanmoins à la coordination des groupes géographiquement séparés, en facilitant ainsi les aspects logistiques de la protestation.[19] Il y a également des coûts pour ce type d’organisation et pour ce choix de plateforme communicationnelle, mais ceux-ci se trouvent dépassés par le nombre d’avantages possibles. Parmi les coûts impliqués, il y a l’absence d’un leader, la personnalisation de l’action publique qui au passé réunissait au niveau symbolique les mouvements en leur donnant un porte-parole;le contrôle problématique de l’évolution de la protestation, le faux conformisme, les dispenses et les contradictions discursives entre le virtuel et le quotidien (le fait que les gens tendent d’être d’accord sur l’internet mais pas dans la vie réelle), l’absence de cohésion et d’une communauté réelle (les liens faibles et temporels de la participation), d’où une motivation moins élevée pour la participation politique hors ligne.[20]

Les coûts de la communication virtuelle ne sont pas juste moins nombreux que les avantages, mais ils sont à leurs tours contestables. Au fond, si le «milieu» n’est qu’un simple vecteur communicationnel qui ne définit pas a priori de l’action, alors n’y a-t-il une bonne raison qu’il s’agit plutôt des actions politiques classique diffusées dans un autre environnement? Les réseaux sociaux, les forums, ne représentent que des outils et des intermédiaires dans la création et le déroulement des mouvements contestataires. Ils ne causent pas et ne produisent pas les protestations[21]; et ils ne fixent pas l’idéologie des mouvements n’ont plus.[22] La motivation pour une certaine cause ou la sincérité des participants, la nature de leur engagement ne sont pas a priori les conséquences du milieu virtuel. Dans cette perspective, la différence spécifique dans l’articulation du proteste consisterait au fait que l’internet réussit, à l’opposé d’autres médias plus traditionnels, d’attirer plus de participants[23], en spécial, des jeunes. De la sorte, la participation en ligne ne serait pas essentiellement différente par nature des formules communicationnelles classiques, nonobstant la force du milieu viserait plutôt un effet de la socialisation politique; d’une certaine manière, il s’agit d’une opportunité nouvelle pour les jeunes d’apprendre au moins d’une façon indirecte l’importance de la participation politique et d’être un citoyen engagé.

Par conséquent, malgré la difficulté d’estimer les effets directs de l’internet au niveau de l’articulation des nouvelles formes de participation politique, il existe un consensus visant le fait que l’internet facilite et encourage les formes conventionnelles et non-conventionnelles de participation politique, en se préfigurant en tant que un point de liaison entre la société civile et les dirigeants. Les réseaux sociaux ne constituent pas de ressorts de la mobilisation sociale, ne représentent pas la prima causa des mouvements protestataires, mais ils changent sans aucun doute la configuration de l’action citoyenne à long terme. La mise en agenda de l’actualité politique par le biais des moyens facilement accessibles au grand public (la traduction de la politique dans un langage commun), l’ethos d’une participation qui ne nécessite pas d’efforts considérables (souvent sous la protection d’anonymat), l’accroissement d’une conscience civique à l’égard des décisions publiques sont principalement à la base des formules les plus anciennes d’activisme politique.


3. Etude de cas: L ‘ «affaire Schengen» et la force mobilisatrice des communautés virtuelles en Roumanie

La question de la date d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen constitue depuis longtemps un objet de dispute entre, d’une part, les acteurs politiques roumains et bulgares, et les leaders européens, et de l’autre part, entre les sociétés civiles roumaine et bulgare et les dirigeants de ces deux pays. Les autorités roumaines (tout comme celles bulgares) ont déjà prévu plusieurs dates limites pour atteindre cet objectif. Selon les informations affichées sur le site du Ministère des Affaires Étrangères de Roumanie, nous observons que le gouvernement roumain s’était engagé à adhérer à l’espace Schengen le mois de mars 2011.[24] Bien évidemment, ce but politique n’avait pas été accompli, la Roumanie se trouve toujours en dehors de l’espace Schengen. La plus récente estimation visant la date butoir pour l’entrée en Schengen avait été fixée en 2014, mais même cet horizon temporel vient d’être également infirmé.[25] Le 11 novembre 2013, le président de la Commission européenne, José Manuel Barosso, a annoncé que «la Roumanie et la Bulgarie ne rentreront pas dans Schengen en 2014, parce qu’il y a trop de pays qui s’y opposent» [26]

Le nouveau refus réitère les observations et les discours des leaders européens des années précédentes, tout comme ceux lancés le mois de mars. Dans un entretien pour le journal Le Monde, la commissaire à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté, Viviane Reding, avait précisé quelques mois auparavant que «la question essentielle est de savoir si l’ État de droit roumain peut nous rendre confiants. […]» et elle continuait: «Pour ma part, je ne serais pas surprise si les États décidaient de ne pas y intégrer tout de suite la Roumanie».[27] Les peurs restent toujours les mêmes: la crainte d’un afflux des Bulgares et de Roumains sur le marché de travail, la peur que les autorités roumaines et bulgares vont faillir protéger les frontières nationales et que les taux d’immigration et de corruption vont s’accroître très rapidement. A l’opposé des réactions initiales des acteurs politiques roumains face au refus européen d’intégrer la Roumanie à l’espace Schengen, l’année 2013 a connu une nouvelle rhétorique politique qui n’est pas restée sans écho au sein de la société civile et parmi les usagers de la Toile. Plus précisément, il s’agit d’une série de déclarations des leaders roumains faites avant le Conseil justice et affaires intérieures du mois de mars (les 7-8 mars). Dans une grille interprétative qui laissait s’entrevoir l’écart de l’agenda politique du pays l’adhésion à l’espace Schengen, les leaders nationaux roumains avaient dénoncé la transformation d’une problématique technique et mesurable, dans une question dépendant plutôt d’une volonté et opportunité politique. Nous rappelons quelques déclarations en ce sens:

Victor Ponta, premier ministre:

«Si la décision se traduit par un nouveau report (…) l’entrée dans l’espace Schengen ne sera plus une priorité au programme du gouvernement. (…) Nous sommes prêts (pour une entrée dans l’espace Schengen) et au moment où une décision politique sera prise dans le pays ou les pays qui croient que l’admission doit être reportée, nous entrerons, mais en tout cas cette question ne constituera plus le premier point de discussion entre la Roumanie et les partenaires européens.» [28]

Titus Corlăţean, ministre des affaires extérieures:

«Nous avons vécu sans Schengen, nous pouvons vivre toujours sans.»[29]

Il est aussi vrai que l’administration présidentielle roumaine avait renforcé une autre direction discursive, en rejetant la position des membres sociaux-libéraux:

«Le président de la Roumanie, M. Traian Băsescu n’accepte pas ces affirmations et réaffirme que la Roumanie maintient l’ensemble de son intérêt à rejoindre l’espace Schengen bientôt.»[30] 

Cette scission de la classe politique quant à l’affaire Schengen a tout de suite été sanctionnée par la société civile. Une réaction sociale issue justement en tant que conséquence directe d’une dispute politisée dans le contexte nationale, portée avec les moyens communicationnels classiques. C’est sur cette réaction sociale que nous allons tarder. L’affaire Schengen n’a pas alimenté les formes conventionnelles de participation politique, mais au contraire, ce sont les formes non conventionnelles, et surtout celles alternatives, qui se sont imposées et qui ont également dynamisé la participation politique formelle. Les échos et les protestations ont d’emblée eu lieu dans l’e-rue. Les communautés virtuelles, les citoyens virtuels ont réagi aux attitudes et aux actions des acteurs politiques roumains, pour qu’ensuite, ils sortent de l’espace virtuel et s’engagent dans des formes plus «classiques» des mouvements sociaux.

Facebook a sûrement joué le rôle le plus important dans la création d’un noyau contestataire, dans l’organisation des manifestations contre le nouveau tournant de la politique roumaine vis-à-vis de l’affaire Schengen et dans l’identification des mesures à prendre contre ce statu quo. Plus de 2300 Roumains ont modifié leurs noms sur Facebook, en ajoutant le mot «Schengen» afin de montrer leur mécontentement face aux déclarations récentes des acteurs politiques.[31] A l’origine de cette initiative sur Facebook se trouve une blogueuse roumaine, Angela Tocilă[32], qui avait déclaré:

«Il s’est agi d’une impulsion du moment, moi étant scandalisée par les déclarations de Corlăţean. J’ai mis un statut qui proposait que nous changeons de noms, en ajoutant „Schengen „. J’ai tout de suite changé le mien et j’ai attendu. Après 5 minutes, des «schengenistes» ont progressivement commencé à apparaître.»[33]

La journaliste a également commencé une campagne virtuelle «La Roumanie veut entrer dans l’espace Schengen», une campagne qui a enregistré «717» likes jusqu’à présent. Le nombre de «likes» dévoile le caractère contextuel de l’action et d’une certaine manière son manque de représentativité pour la population roumaine. Cependant, les conséquences de l’initiative et surtout le fait que les gens sont sortis dans la rue à la suite d’une mobilisation au champ virtuel rendent le cas pertinent pour une analyse plus détaillée.

L’activité sur le réseau social Facebook a donc entraîné très rapidement des manifestations en faveur de l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen. Sur la page Facebook dédiée à la protestation du 16 mars 2013, les manifestants précisaient:

«A ce stade, l’USL, mais par le manque de réaction, l’Opposition aussi, nous ont pratiquement enfermé en Roumanie, en refusant adopter les valeurs morales existantes dans la politique européenne et nous gardent en quarantaine.»[34]

Cependant, l’enthousiasme virtuel n’a pas été doublé par une forte participation effective. Les chiffres sont en ce sens révélateurs: 6199 personnes invitées, 414 participants annoncés et 40 protestataires effectifs. De ce point de vue, le projet contestataire peut passer pour un échec. La suite de la manifestation nuances cependant les choses. Les manifestants ont réalisé une lettre addressée aux leaders européens où ils soulignaient qu’:

«au nom de la majorité silencieuse dont nous sommes les portes-paroles, nous exprimons notre convinction que vous tiendrez compte de tout que la Roumanie et les Roumains peuvent fournir à l’espace Schengen de sorte que vous acceptiez l’inclusion de notre pays dans cette communauté.“[35]

Ces actions contestataires initiées sur Facebook ne sont pas singulières et ne couvrent pas la totalité des initiatives de la société civile roumaine en faveur de l’adhésion à l’espace Schengen. Depuis 2011, les organisations non-gouvernamentales de Roumanie et aussi de Bulgarie ont lancé des campagnes, des pétitions afin de soutenir le processus de cette inclusion. Le groupe civique «Unité et exigences pour Schengen en Roumanie» en tant que représentant de la société civile a entrepris toute une série de mesures pour renforcer le caractère impératif de ce but politique et social.[36] Les ONG, les parties composantes de ce groupe civique, ont organisé des réunions avec les institutions publiques avec des attributions dans le domaine, ont envoyé des lettres aux ambassades des pays membres, ont facilité des séjours interculturels afin que la Roumanie soit mieux connue et perçue à l’étranger, etc. Nous rappelons aussi la campagne déroulée par l’organisation non-gouvernementale bulgare, Priroda za horata /Nature pour les gens, qui invitait, le 8 mars 2012, les Roumains et les Bulgares à boycotter les produits néerlandais sur le marché jusqu’au moment où les deux pays seraient autorisés à entrer dans l’espace Schengen.[37] Le message de la campagne était le suivant:

«On ne doit pas tolérer la discrimination imposée par les Pays-Bas en matière d’accès à l’espace sans frontières au cours des trois dernières années. (…) On n’est pas de personnes de qualité inférieure, le taux de criminalité n’est pas plus élevé ici, nos frontières ne sont pas dangereuses.»[38]

Ce que 2013 apporte de nouveau est l’intérêt accru du citoyen roumain pour l’affaire Schengen, son désir de protester, de sortir dans la rue pour la protection des intérêts politiques de la Roumanie et ce que change aux niveaux des manifestations et des protestations est l’organisation électronique, l’impact virtuel ou l’influence de l’internet dans la reconfiguration de la participation politique. Si nous regardons les chiffres de la manifestation de 16 mars 2013, nous pouvons observer que l’activisme virtuel même si dynamique n’engendre pas encore d’actions hors ligne significatives et que c’est plutôt un travail en progrès. Les communautés virtuelles commencent à avoir des effets performatifs sur la scène politique et publique de Roumanie, mais ceux-ci ne représentent pas encore le mainstream.

Les progrès faits dans la sphère de protestations ou au niveau des formes non-conventionnelles de participation politique sont beaucoup plus visibles lorsque nous parlons de la nouvelle vague de manifestations concernant le projet minier Roșia Montană. Dans ce cas-ci, les réseaux sociaux ont mobilisé plus de 20.000 protestataires et ont représenté la principale source d’information et la principale chaîne de communication pour les manifestants. En fait, à l’opposé des protestations en faveur de l’adhésion à l’espace Schengen, où les participants virtuels étaient beaucoup plus nombreux que ceux effectifs, dans le cas des manifestations contre le projet minier Roșia Montană, le rapport a été inversé. Environ 12.000 personnes ont confirmé leur présence aux protestations sur Facebook, mais le nombre de protestataires «réels» a dépassé 20.000.[39] Nous remarquons, donc, au moins au niveau performatif, une société civile de plus en plus active, qui semble avoir appris la force de la rue et de l’ e-rue et une transformation des citoyens- spectateurs en citoyens (virtuels) engagés.


Conclusions

Notre article a eu pour but de montrer l’impact du virtuel sur la participation politique, le rôle des communautés virtuelles dans les mouvements protestataires et la relation en plein changement entre l’ e-rue et la rue. Nous nous sommes posés deux questions inter-liées: (a) l’activisme virtuel influence-t-il les résultats politiques? (b) les actions contestataires en lignes sont-elles des formes de participation politique si elles ne sont pas doublées par une démarche similaire hors ligne? Les réponses que nous avons trouvées d’abord au niveau théorique et ensuite renforcées par la pratique sont affirmatives. L’Internet reconfigure la taxonomie des formes de participation politique, et les actions contestataires en ligne constituent des formes de participation politiques non-conventionnelles. La «participation politique» est, en général, conçue comme étant l’activité citoyenne destinée à influencer les résultats politiques. Du coup l’activisme virtuel représente a priori une manière de changer le jeu politique. Cependant, il apparaît que dans la pratique ce n’est pas toujours le cas.

L’étude de cas que nous avons choisie- la réception du refus européen d’ intégrer la Roumanie à l’espace Schengen parmi les usagers de l’Internet- montre les limites performatives de l’activisme virtuel. La participation virtuelle, le fait d être engagé dans une action protestataire virtuelle ne représente pas une garantie pour un engagement hors ligne. Même si les communautés virtuelles jouent un rôle de plus en plus important dans la culture protestataire roumaine, les protestations organisées en ligne ne rencontrent pas le même succès dans la vie réelle. Notre étude de cas semble enregistrer les reconfigurations des mouvements sociaux en Roumanie et la découverte de la protestation virtuelle. L’une des questions qui se posent dans ce contexte-ci est dans quelle mesure assistons-nous à un «réveil social» et à une forme de participation politique alternative et dans quelle mesure les actions contestataires quant à l’affaire Schengen restent une forme de participation politique classique dont les objectifs sont toujours politiques?

 

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Ressources en ligne

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NOTE

[1] S. P. Huntington, J.M. Nelson, No easy choice: Political participation in developing countries, (Cambridge: Harvard University Press,1976), 3; S. Verba, K.L. Schlozman, H. Brady, Voice and equality. Civic voluntarism in American politics, (Cambridge: Harvard University Press, 1995), 38.

[2] Henry E. Brady, „Political participation“ In: John P. Robinson, Phillip R. Shaver, Lawrence S. Wrightsman (éditeurs), Measures of political attitudes, (San Diego: Calif.: Academic Press,1999), 737.

[3] M. Conway, Political Participation in the United States, (Washington: D.C.: Congressional Quarterly Press, 2001), 20; M. Kaase, A. Marsh, „Political Action. A Theoretical Perspective“ In S. H. Barnes, M. Kaase, K. L. Allerbeck, B. G. Farah, F. Heunks, R. Inglehart, M. K. Jennings, H. D. Klingemann, A. Marsh, L.Rosenmayr (éditeurs), Political Action. Mass Participation in Five Western Democracies, (Londre: Sage Publications, 1979), 41.

[4] C.E. Riley, C. Griffin, Y. Morey, „The case for ‘everyday politics’: Evaluating neotribal theory as a way to understand alternative forms of political participation, using electronic dance music culture as an example“, Sociology, vol. 44, n°2, (2010): 345–363; P. A. Bourne, „Unconventional political participation in a middle-income developing country“, Current Research Journal of Social Sciences, vol. 2, n°2, (2010): 196–203

[5] R. Linssen, H. Schmeets, P. Scheepers, M. Grotenhuis, „Trends in conventional and unconventional political participation in Europe between 1981–2008“, 2011. Document présenté dans le cadre de la séction «L’émergence de nouveaux types de participation politique et ses conséquences“ lors de la 6e
Conférence générale ECPR, Reykjavik, du 25 août au 27 mai 2011.

[6] Iasonas Lamprianou, „Contemporary Political Participation Research: A Critical Assessment“, In K. Demetriou, (éditeur), Democracy in Transition: Political Participation in the European Union, (Berlin: Springer-Verlag, 2013), 21-42.

[7] Lamprianou, „Contemporary“, 27.

[8] Lindsay H. Hoffman, „Participation or Communication? An Explication of Political Activity in the Internet Age“, Journal of Information Technology & Politics, vol. 9, n°3, (2012): 217-233.

[9] Bruce Bimber, „The Internet and citizen communication with government: does the medium matter?“, Political Communication, vol. 16, n°4, (1999):409–428; Samuel J. Best, Brian S. Krueger, „Analyzing the Representativeness of internet political participation“, Political Behavior, vol. 27, n° 2, (2005): 183-216; Caroline Tolbert, Ramona McNeal, „Unraveling the effects of the Internet on political participation?“, Political Research Quarterly, vol. 56, n°2, (2003):175–185.

[10] Y. Breindl, „Internet-based protest in European policy-making: the case of digital activists“, International Journal of E-Politics, vol. 1, n°1, (2010): 57–72; D. Della Porta, L. Mosca, „Global-net for global movements? A network of networks for a movement of movements“, Journal of Public Policy, vol. 25, n°. 1, (2005): 165–190; Jeroen Van Laer, Peter Van Aelst, „Internet and Social Movement Action Repertoires: Opportunities and Limitations“, Information, Communication & Society, vol. 13, n° 8, (2010):1146–1171 .

[11] V. Beaudouin, J. Velkovska, „The Cyberians: an empirical study of sociality in a virtual community“. In K. Buckner, (éditeur), Ethnographic Studies in Real and Virtual Environments Inhabited Information Spaces and Connected Communities, Edinburgh, 1999, pp.102-112; Felicia Wu Song, Virtual Communities (Digital Formations), (New York: Peter Lang Publishing, 2009), 1-13.

[12] Erik Bucy, Kimberly Gregson, „Media participation: a legitimizing mechanism of mass democracy“, New Media and Society, vol. 3, n°3, (2001):357–380.

[13] Howard Rheingold, „A Slice of Life in My Virtual Community“, In L. M. Harasim (éditeur), Global Networks: Computers and International Communication, (Cambridge: MIT Press, 1994), 58.

[14] A.R. Dennis, S.K. Pootheri, V.L. Natarajan, „Lessons from the Early Adopters of Web Groupware“, Journal of Management Information Systems, Spring, vol. 14, n°.4, (1998): 65- 86.

[15] Cliff Figallo, Hosting Web Communities: Building Relationships, Increasing Customer Loyalty, and Maintaining A Competitive Edge, (New York: Wiley, 1998), 13-26.

[16] C.Wiertz, K. de Ruyter, „Beyond the Call of Duty: Why Customers Contribute to Firm-hosted Commercial Online Communities“, Organization Studies, vol.28, n°3, (2007): 347-376.

[17] Stuart W. Shulman, „The Internet still might (but probably won’t) change everything: Stakeholder views on the future of electronic rulemaking,“ I/S: A Journal of Law and Policy for the Information Society, vol. 1, n° 1, (2005): 111–145.

[18] Graeme Browning, Electronic Democracy: Using the Internet to Influence American Politics, CyberAge Books, New Jersey, 2005, pp. 169-175; Richard Groper, ‘Electronic Mail and the Reinvigoration of American Democracy’, Social Science Computer Review, vol. 14, n°2, (1996):157–68.

[19] Stefano Passini, „The Facebook and Twitter Revolutions“, Human Affairs, vol. 22, n°3, (2012): 305.

[20] Passini, „The Facebook“, 305.

[21] C.J Anderson, „Electoral Supply, Median Voters, and Feelings of Representation in Democracies“ In R. J. Dalton, C. J. Anderson (éditeurs) Citizens, Context, and Choice: How Context Shapes Citizens’ Electoral Choices,(Oxford: Oxford University Press, 2011), 214-237.

[22] Passini, „The Facebook“,307.

[23] S. Joseph, „Social Media, Political Change, and Human Rights“, Boston College International and Comparative Law Review, vol. 35, n°1, (2012): 145-188.

[24] „L’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen“, URL: http://www.mae.ro/fr/node/4724, consulté le 5 novembre 2013.

[25] Irina Popescu, „Jose Manuel Barroso: Romania and Bulgaria will not enter the Schengen area in 2014“, Romania-insider.com, le 12 novembre 2013, URL: http://www.romania-insider.com/jose-manuel-barroso-romania-and-bulgaria-will-not-enter-the-schengen-area-in-2014/109352/, consulté le 12 novembre 2013/

[26] Popescu, „Jose“

[27] Viviane Reding citée par Le Monde. Déclaration reprise par «La Bulgarie pourrait griller la politesse à la Roumanie“, Presseurop, le 3 septembre 2012, URL: http://www.presseurop.eu/fr/content/news-brief/2626911-la-bulgarie-pourrait-griller-la-politesse-la-roumanie, consulté le 5 novembre 2013.

[28] Victor Ponta cité par Laurenţiu Mihu, „Pasul spectaculos care izoleaza Romania de Europa“, România Liberă, n° 6809, luni, 4 martie 2013. URL: http://www.romanialibera.ro/actualitate/eveniment/pasul-spectaculos-care-izoleaza-romania-de-europa-295017, consulté le 5 novembre 2013.

[29] Mihu, «Pasul“.

[30] Mihu, „Pasul“.

[31] Flavia Drăgan, Adriana Toma, „Iniţiativă pe Facebook: România vrea în Schengen“, România Liberă, le 11 mars 2013, URL: http://www.romanialibera.ro/actualitate/eveniment/initiativa-pe-facebook-romania-vrea-in-schengen-295788.html, consulté le 5 novembre 2013.

[32] Angela Tocilă est une blogueuse roumaine qui écrit des articles sur des sujets politiques. Elle écrit sur la platforme de commentaires „Hydepark“ du quotidien „Evenimentul zilei“, tout comme sur son blogue personnel politic-stand.com (URL: http://politicstand.com/author/angela-tocila/). La blogueuse n’est pas liée à aucun parti politique.

[33] Angela Tocilă citée par Stiripescurt.ro, „Initiativa pe Facebook: Romania vrea in Schengen“, le 11 mars 2013, URL: http://www.stiripescurt.ro/initiativa-pe-facebook-romania-vrea-in-schengen/1163011.html, consulté le 5 novembre 2013.

[34] „România vrea în Schengen“, URL: https://www.facebook.com/events/499259926805670/, consulté le 5 novembre 2013.

[35] Drăgan, Toma, „Iniţiativă“.

[36] Le groupe civique „Unité et exigences pour Schengen en Roumanie» a été créé en 2011 par le Ministère d’affaires extérieures, étant composé par plusieurs organisations non-gouvernemantales de Roumanie. URL: http://www.generatiaurmatoare.org/, consulté le 6 novembre 2013.

[37] „Proteste pentru Schengen. Boicotaţi lalelele olandeze“, URL: http://www.realitatea.net/proteste-pentru-schengen-boicotati-lalele-olandeze-pe-8-martie_919158.html, consulté le 6 novembre 2013.

[38] „Proteste“.

[39] „Protest masiv pentru Rosia Montana: 15.000 de oameni au iesit in strada la Bucuresti“,

URL: http://www.ziare.com/rosia-montana/protest/protest-masiv-pentru-rosia-montana-simultan-in-marile-orase-ale-romaniei-si-lumii-1257005, consulté le 6 novembre 2013.

 

GABRIELA IONAȘCU este doctorandă a Facultăţii de Știinţe Politice, Universitatea din București. Ea a urmat cursurile Școlii Doctorale Francofone de Știinţe Sociale- EDSS (2011-2014). Interesele sale de cercetare se axează în principal pe politicile de migraţie din Uniunea Europeană și pe discursurile politice xenofobe (hate speech).


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