Cum funcţionează democraţia?
Quelques remarques sur la démocratisation
du système local en Roumanie postcommuniste
DOMNICA GOROVEI
[The University of
Bucharest]
Abstract:
The article briefly examines from a
political perspective the reforms introduced on the
local level in Romania after the fall of the
communist regime, in 1989. The hypothesis is that
the democratization of this local level involves an
augmentation of the participation of citizens to
decision-making, thus creating a real local
democracy. In order to sustain this point of view a
case study of the founding principles of local
public administration is made, and elements of local
democracy and political representation are pointed
out.
Keywords: democratization, local democracy,
post-communist Romania, local system, participation,
direct democracy, political representation
Introduction
Pour la Roumanie, tout comme pour les autres États de l’ancien bloc soviétique, la chute du régime communiste a ouvert la voie des réformes pour instaurer un véritable régime démocratique. Cette démocratisation du système devrait se produit tant au niveau national qu’au niveau local, impliquant par cela une reconstruction politique et administrative1 et une redéfinition de la relation entre le centre et la périphérie. Le passage d’un régime basé sur le centralisme démocratique, qui prévoyait seulement en théorie l’élection libre des organes locaux de l’état, à un régime démocratique décentralisé et autonome s’avère être un défi pour le nouveau régime de Bucarest.
Nous utilisons l’expression système local dans l’acception d’Albert Mabileau: «un ensemble d’institutions et d’acteurs territoriaux entretenant entre eux des relations coordonnées pour former un ensemble organisé»2. Il faut préciser le fait que, tout comme dans le cas français, le législateur roumain évite l’utilisation de termes tels que gouvernement local ou institutions locales en faveur de la terminologie autorités de l’administration publique locale, en mettant ainsi en évidence que les attributions politiques reviennent exclusivement aux institutions nationales3.
Dans cet article nous allons identifier la manière dont le système local a été aménagé en Roumanie postcommuniste afin qu’il fonctionne d’après les exigences qu’implique un régime démocratique. Ainsi, nous analyserons les principes qui régissent le système local pour nous pencher dans un deuxième temps, sur l’exemple de la démocratie locale qui se revendique de la représentation politique et de la démocratie (semi-)directe.
Les principes de l’administration publique locale
Le choix du législateur roumain a consisté dans la conservation de la structure territoriale et administrative héritée du communisme. Ainsi, le troisième article de la Constitution de 1991 précise de manière explicite: «le territoire est organisé, du point de vue administratif, en communes, villes et départements». Ce choix semble avoir été guidé par des raisons pragmatiques, par le souci d’une efficacité immédiate, en considération du fait qu’un changement aurait eu des implications sur le fonctionnement de l’Etat, et cela d’autant plus que cette division ne paraissait pas avoir de problèmes de fonctionnement. En ce qui concerne la structure des autorités locales, on y retrouve le principe de la séparation des pouvoirs avec, d’un côté une instance législative4 – le conseil local -, d’un autre côté l’instance exécutive – le maire -, et troisièmement un contrôle juridique opéré par le service déconcentré du préfet5. Mais, si la structure des unités administratives et territoriales reste presque inchangée, la vraie réforme s’opère dans le sens d’une redéfinition des principes qui fondent l’administration publique locale, par l’intermédiaire desquels est visée la démocratisation d’un pouvoir dont les compétences avaient été réduites au maximum pendant le communisme.
Un des spécialistes anglais dans le domaine du gouvernement local, Andrew Coulson6, note que l’engagement dans le sens de la réforme du système local comme gouvernement local7 a été assumé par tous les partis politiques au pouvoir en 1989 dans les pays de l’Europe de l’Est. Dans le cas de la Roumanie, on note un certain retard dans l’organisation d’un scrutin local - en 1992 - par rapport aux autres pays de la région, qui l’ont fait déjà depuis 19918. Toutefois, une loi de l’administration publique locale est approuvée en 1991. De plus, l’importance accordée par le nouveau régime à la réforme du système local, à sa modernisation est à retrouver avant tout dans la Constitution qui énumère à l’article 119 les deux principes de base de l’administration publique locale - déjà consacrés dans les démocraties consolidées –, l’autonomie locale et la décentralisation des services publics. La révision constitutionnelle de 2003 entraînera une reformulation de ces principes, qui deviennent la décentralisation, l’autonomie locale et la déconcentration des services publics9. La consécration du principe de la décentralisation dans la Constitution de 1991 a été un pas important, mais sans impliquer par cela la décentralisation de facto. Dans un article de 2008, Emmanuelle Boulineanu et Marius Suciu indiquent que ce choix représente «plutôt un outil symbolique pour détruire la structure de l’Etat […] la décentralisation étant stimulée par la transposition […] des principes de la charte européenne de l’autonomie locale de 1985»10.
La loi de l’administration publique locale, adoptée en 199111, réitère, dans son premier article, les principes déjà consacrés par la loi fondamentale et en ajoute trois: (1) l’élection des autorités de l’administration publique locale, (2) la légalité et (3) la consultation des citoyens dans des questions locales à intérêt spécial.
Le système local, éléments de représentation politique
et de démocratie directe
Dans ce qui suit nous nous appuyons sur les affirmations de Bernard Manin, qui utilise le terme de «démocratie représentative» en l’opposant à celui de «démocratie directe», deux aspects de la démocratie12. En analysant la législation sur la constitution, le fonctionnement et l’organisation des autorités de l’administration publique locale, on observe qu’il existe des mécanismes qui tiennent à la démocratie représentative ainsi que des mécanismes qui tiennent à la démocratie (semi-)directe13.
Le système local est représentatif puisqu’il est fondé, avant tout, sur le principe électif. Les cinq scrutins locaux organisés, tous les quatre ans14, après 1989 se sont déroulés conformément à deux lois sur les élections locales: la loi 70/ 1991 a fonctionné pour les élections de 1992, 1996 et 2000, tandis que les deux derniers scrutins - de 2004 et 2008 - se sont déroulés en vertu de la loi 67/2004. La manière imaginée par le législateur pour la représentation locale est hybride, ce qui a fait que certains spécialistes parlent d’une «institution confuse de la représentation»15. En 1991, deux systèmes de vote ont été introduits: un vote direct pour les conseils locaux (représentation proportionnelle sur liste) et pour les maires (scrutin majoritaire à deux tours) et respectivement un vote indirect pour les conseils départementaux (les élus locaux de chaque département élisent les conseillers départementaux, qui ensuite élisent leur président). Mais ce système a connu des changements dans le sens d’une légitimation plus forte du niveau départemental, avec l’introduction, à partir de 1996, d’un vote direct et pour le conseil départemental. Par ailleurs, si jusqu’en 2008 un mode d’élection indirect pour le président du conseil départemental restera en place, à partir de ce dernier scrutin local le suffrage universel direct est introduit aussi pour ce mandat, ajoutant un troisième système électoral, le scrutin majoritaire à un tour. Ce changement a visé la consolidation de la relation du président du conseil départemental avec ses votants, sans pour autant impliquer, «au moins sur le plan formel, des changements dans ses attributions»16. Donc, on peut conclure que du point de vue de l’évolution du système de vote, sur le plan local il s’est produit une augmentation du pouvoir des citoyens, avec le suffrage universel qui s’impose face à celui indirect, afin de consolider la légitimité des autorités locales.
Même si ces changements ont été interprétés comme des calculs faits par les partis politiques pour gagner de l’influence17, il s’agit également d’une réflexion qui prend place dans le contexte de ce qu’on appelle la «crise de la représentation politique», la «malaise de la démocratie»18. Nous partons de l’idée que même si les réformes implémentées en Roumanies ne sont pas toujours le résultat d’un débat interne, la réforme de ce système étant dans la plupart du temps associée au parcours européen, la Roumanie a toutefois implémenté des principes qui fonctionnent dans les démocraties consolidées. Dans ce sens-là, entrant dans la période de transition avec des enseignements tirés des expériences des pays occidentaux de la crise de la représentation, l’Assemblée Constituante a combiné dans la loi fondamentale des mécanismes de la représentation politique avec des mécanismes de la démocratie directe, au niveau national ainsi qu’à celui local, qui visent à «augmenter la participation des citoyens et, d’ici, trouver de nouveaux ressorts pour la légitimité politique, […]»19.
L’augmentation du pouvoir de décision des citoyens se traduit par d’autres réformes instituées sur le plan local. L’exemple le plus évident est celui du référendum local, représentant dans sa forme classique la participation directe des membres du corps électoral au processus de décision, étant considéré le plus important moyen pour la consultation des citoyens20. La Constitution ne règle que le référendum national, par ailleurs la consultation locale est stipulée dans la loi de l’administration publique locale de 1991. Mais ce sera seulement la loi régissant le référendum21 qui mettra en évidence la distinction entre le référendum national et celui local. En plus, par les modifications opérées à la loi de l’administration publique locale, les citoyens obtiennent d’autres possibilités pour s’exprimer, étant introduites deux nouvelles formes de consultations, que les citoyens peuvent non seulement approuver ou rejeter, mais aussi initier. Il s’agit du référendum pour la destitution du maire22 et du référendum pour la dissolution du conseil local ou du conseil départemental23. De cette façon, il s’opère un contrôle continu de la décision politique, la logique entièrement représentative, qui ne donnait du pouvoir de décision aux citoyens que lors des élections, est transgressée. Les citoyens ont ainsi la possibilité non seulement de sanctionner lors des élections les élus locaux qui ne remplissent pas leurs fonctions, mais, après avoir parcouru une série de procédures légales24, peuvent aussi mettre fin avant le terme au mandat de ces élus locaux.
Conclusion
La démocratie locale peut être réduite au sens de «démocratie du citoyen»25. C’est pourquoi dans cet article nous avons analysé la démocratisation à partir du critère de la participation des citoyens à la vie locale. Ainsi, de l’étude de l’évolution du cadre législatif, on peut conclure que le pouvoir des citoyens sur le plan local a augmenté durant le postcommunisme. À part la mise en place d’un vrai système représentatif, manifesté par l’introduction du suffrage universel pour l’élection des autorités locales, les électeurs se voient dotés de nouvelles possibilités d’exprimer leur point de vue, de participer à la prise de décision sur des questions qui tiennent à la démocratie de proximité.
Nous devons faire une remarque finale, pour mettre en évidence le fait que dans cet article on s’est limité à une analyse succincte des dispositions légales, ce sera plutôt l’analyse de la mise en pratique de ce cadre normatif qui montrera ses vraies limites.
BIBLIOGRAPHIE
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NOTE
1 Cristian Preda, Sorina Soare,
Regimul, partidele şi sistemul politic din România, (Bucarest: Nemira,
2008), 51.
2 Albert Mabileau, Le système local
en France (Paris: Montchrestien, 1994), 7.
3 Mabileau, Le système, 7.
4 Il faut noter une autre réticence du
législateur, cette fois dans le sens d’investir le conseil local avec des
attributions législatives, qui restent la compétence exclusive des
institutions nationales, utilisant un terme plus nuancé: autorité
«délibérative».
5 Corneliu Manda, Cezar Corneliu Manda,
Dreptul colectivităţilor locale, (Bucarest: Lumina Lex, 2002), 89.
6 Andrew Coulson, “From Democratic
Centralism to Local Democracy”, en Andrew Coulson (coordonateur), Local
Government in Eastern Europe. Establishing Democracy at the Grassroots,
(Vermont: Edeard Elgar Publishing Limited, 1995), 1.
7 «La notion de gouvernement local
s’applique tout particulièrement aux Etats-Unis où, grâce à une extrême
décentralisation, la scène politique locale constitue un ensemble spécifique
s’autorégulant», en Dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques, Guy Hermet, Bertrand Badie, Pierre Birnbaum,
Philippe Braud (coordonateurs), (Paris: Armand Colin, 2010, 7e édition), p.
133.
8 Coulson, «From Democratic», 7.
9 Ainsi, si l’autonomie locale reste
inchangée, la décentralisation ne sera plus réduite au cas des services
publics, qui tombent sous l’incidence de la déconcentration. A ce point il
faut distinguer entre déconcentration et décentralisation:
« Déconcentration - le gouvernement est obligé de déléguer une part
de son autorité à des agents qui le représentent dans des circonscriptions
administratives territoriales mais qui demeurent entièrement sous son
contrôle hiérarchique», «Avec la décentralisation, les
collectivités locales disposent de la personnalité juridique et
d’institutions représentatives (assemblée délibérative et exécutif) issues
du suffrage universel», en Dictionnaire, 78-79.
10 Emmanuelle Boulineanu, Marius Suciu,
«Décentralisation et régionalisation en Bulgarie et Roumanie. Les ambiguïtés
de l’européanisation», Espace géographique tome 37 (2008/4):
351-352.
11 La loi 69/1991, changée en 1996 (loi
24/1996), remplacée en 2001 par une nouvelle loi (215/2001).
12 Bernard Manin, Principes du
gouvernement représentatif, (Paris: Flammarion, 1996), 11.
13 La représentation politique est le
système par lequel, par l’intermédiaire des élections, le peuple accepte de
donner son droit de décision, sa volonté générale, à ses représentants.
S’oppose à la démocratie directe, de type athénien, qui prévoit que les
citoyens votent directement chaque décision, la volonté populaire s’exerce
de manière directe, sans l’intermédiaire des représentants. Mais comme de
nos jours il est impossible d’avoir une démocratie vraiment directe, la
littérature de spécialité utilise plutôt le terme «semi-directe».
14 Il s’agit bien évidemment, de
l’échéance normale, car comme pour les maires il s’agit d’un vote
uninominal, il y a eu lieu des élections anticipées. Par exemple, dans le
cas de Bucarest, des élections pour le maire général ont été organisées en
1998.
15 Preda, Soare, Regimul, 55.
16 Alexandra Ionaşcu, «Alegerile locale
in Romania», p.1, www.hotnews.ro,
consulté le 15 avril 2011.
17 Surtout parce ce que les
modifications étaient faites à la veille des moments électoraux, souvent par
des arrêtés de gouvernement.
18 V. Pierre Rosanvallon, Le peuple
introuvable, (Paris: Gallimard, 1998), 7-29 ; Manin, Principes,
247-248.
19 Jacques Chevallier, «Préface» à
Marion Paoletti, La démocratie directe et le référendum, (Paris:
L’Hamattan, 1997), 9.
21 La loi no 3/22 février 2002
concernant l’organisation et le déroulement du référendum.
22 Loi 215/2001, articles 74-76.
23 Introduits par la loi 286/2006, qui
modifie la loi 215/2001 de l’administration publique locale, art. 58, 68, 73
et 111.
24 C’est vrai que ces procédures sont
assez complexes, mais cela pour limiter les éventuels abus. D’ailleurs, ce
genre de procédure a fonctionné, comme le montre l’exemple de la dissolution
du Conseil local de la Commune Cornăţelu, dép. Dâmboviţa, suite à un
référendum local de 2009.
25 Jacques Baguenard, Jean-Marie Becet,
La démocratie locale, (Paris: PUF, 1995), 13.
DOMNICA GOROVEI
– PhD candidate, Faculty of
Political Science, University of Bucharest.
sus
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